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Manche, les Îles : des sujets environnementaux communs

Préalablement au déplacement d’une délégation madelinienne dans le département de la Manche, les représentants des Îles avaient manifesté à leurs hôtes français le désir de pouvoir discuter, sur place, de toute la question liée aux changements climatiques et de leurs impacts sur les milieux côtiers ainsi que sur la gestion des milieux naturels. Nos représentants n’ont pas été déçus puisque des rencontres portant spécifiquement sur ces sujets ont été effectivement inscrites à l’horaire de la visite qui s’est déroulée du 9 au 15 août.


La problématique de l’érosion des côtes

Au départ, précisons qu’avec ses 4000 km de côte, la France est directement concernée par cet enjeu majeur qui touche aujourd’hui tous les États dont le territoire comprend des milieux littoraux. Ainsi, des visites terrains ont eu lieux dans des secteurs où la mer tente de pénétrer de plus en plus à l’intérieur des terres et où les habitants sont confrontés à des réalités inquiétantes. Certes depuis 1986 la France dispose d’une loi (la Loi littorale) qui interdit notamment toute nouvelle construction à l’intérieur d’une bande de 100 mètres, mais elle n’offre pas de solution pour tout ce qui a été construit le long des côtes à une époque où vivre près de la mer était vue comme étant un privilège bien plus qu’un inconvénient. En France, comme aux Îles, les constats face à ces phénomènes naturels sont les mêmes. Le rehaussement du niveau de la mer est tangible tout comme l’augmentation de la fréquence des tempêtes violentes et le recul du trait de côte. Dans certains secteurs, lors de grosses tempêtes on a même dénombré des pertes de vie où des gens ont été faits prisonniers de leur maison lorsque la mer a investi des villages vulnérables. Particulièrement sur la côte atlantique des zones ont été dévastées et la reconstruction est interdite. Sur les côtes vulnérables on tente bien de se défendre, mais en France, comme ici, les solutions réellement efficaces sont peu nombreuses et les coûts des ouvrages toujours faramineux. Les ouvrages massifs de protection avec de l’enrochement conventionnel entraînent les mêmes problèmes que nous observons ici : on protège un endroit et le problème s’aggrave ailleurs. Les épis, ces enrochements perpendiculaires à la côte sont également utilisés et bien qu’ils réussissent à capter des sédiments et à engraisser la plage, on nous a expliqué que les sédiments captés entraînaient des déficits sur les plages situées à proximité et par conséquent aggravaient la problématique de l’érosion sur d’autres sites situés en périphérie. Comme ici, on intervient pour protéger les dunes, favoriser l’accumulation de sable par des ouvrages légers comme des clôtures, mais au bout du compte, malgré tous ces efforts et ces investissements, il ne reste pas moins que la situation est très préoccupante pour les autorités en place.

Face à ce phénomène naturel, nos vis-à-vis normands se posent la question suivante : « Quel sera le littoral demain, dans ses dimensions physique, socioéconomique et environnementale, en fonction des facteurs de changement que sont le climat, les choix politiques ou encore les évolutions socioéconomiques? » Comme nous, ils constatent et admettent que l’érosion des côtes résultant des changements climatiques n’est plus une question simplement technique, mais bien un véritable débat de société. Face à ces phénomènes naturels, dont les prévisions sont de plus en plus pessimistes, pourrons-nous maintenir des populations et des infrastructures publiques dans des milieux littoraux? Si oui, comment? Et surtout à quel coût? Particulièrement dans un contexte généralisé de ressources financières de plus en plus limitées, et ce, à tous les paliers de gouvernement.


Chose certaine, comme la délégation des Îles l’a observé dans le département de la Manche, on aurait beau investir des millions de dollars dans des murs de protection, à moins de vouloir enrocher l’ensemble des côtes de l’archipel, le problème semble sans fin et réalistement insoluble.


En conclusion, en ce qui concerne l’érosion des berges, les spécialistes rencontrés lors de notre séjour ont utilisé des termes que nous utilisons ici et qui semblent être, dans certains cas, les meilleures solutions, soient le retrait préventif et le retrait stratégique. Autrement dit, accepter le fait que la bataille est perdue d’avance et qu’il est préférable de mettre nos biens matériels à l’abri dans des endroits moins exposés à ces phénomènes naturels irréversibles. Finalement, que ce soit en France, aux Îles, ou n’importe où ailleurs dans le monde, il faut toutefois reconnaître qu’un tel scénario de retrait stratégique demande indéniablement à ceux qui sont directement concernés, les citoyens riverains et les élus qui les représentent, de penser autrement, d’accepter l’inconcevable et de faire des choix qui ne sont pas les leurs, mais bien ceux que la nature impose.


La gestion des milieux naturels, un exemple inspirant

Au schéma d’aménagement révisé de l’Agglomération des Îles-de-la-Madeleine, entré en vigueur en 2010, apparaît une orientation qui consiste à mettre en place un parc régional à partir des terres publiques. Ce concept de parc régional deviendra un outil de plus pour assurer une meilleure gestion de notre territoire public qui compte pas moins de 30 % de notre superficie totale et la presque totalité des milieux fragiles importants, que sont les milieux dunaires et lagunaires. Plusieurs régions du Québec se sont dotées de ce cadre de gestion et dans la majorité des cas les résultats sont très positifs, à la fois pour les gestionnaires et les utilisateurs.


Lors du passage de la délégation madelinienne dans le département de la Manche, une demi-journée fut consacrée à la visite du Parc naturel régional des Marais du Cotentin et du Bessin. Du point de vue de la gestion intégrée des ressources et des milieux naturels, le Parc naturel régional des Marais du Cotentin et du Bessin est assurément un exemple à suivre. Situé en Basse-Normandie, cet espace naturel de 146 650 hectares (1 466 km2) touche 150 municipalités, 74 000 habitants et 30 000 hectares de prairies humides. Créé en 1991, c’est l’un des 48 parcs naturels régionaux que compte le territoire français.


Concrètement, ce Parc concilie la préservation des paysages et des richesses naturelles avec le développement des activités économiques. Il anime des actions en faveur du patrimoine culturel et sensibilise à l’environnement. Comme dans tous les cas de la mise en place d’une structure nouvelle, les utilisateurs de ces espaces naturels étaient méfiants face à la volonté politique de créer un parc naturel. Les agriculteurs, les chasseurs, les éleveurs, les pêcheurs, les ornithologues, les randonneurs, ceux qui offraient des activités touristiques et les habitants, tous avaient la crainte de perdre ce qu’ils voyaient comme étant des droits. Pour que tout le monde s’y sente inclus et confortable, la première étape a consisté à rédiger une charte où chacun trouvait sa place, mais aussi sa part de responsabilités.

Aujourd’hui, plus de 20 ans après sa création, nous n’avons rencontré personne qui remet en cause ce projet d’envergure. Les activités économiques se sont adaptées aux objectifs de préservation et l’ensemble des partenaires y trouve son compte. Le parc joue également un rôle éducatif de premier plan en plus d’être devenu, au fil du temps, une activité touristique complètement intégrée au milieu naturel à laquelle elle réfère.


L’Agglomération des Îles-de-la-Madeleine vise le même objectif avec la création d’un parc régional sur son territoire. Concilier activités économiques et récréatives tout en atteignant des objectifs de conservation incontournables dans un contexte de territoires fragiles. À priori, avec de la concertation et une participation franche et positive de l’ensemble des utilisateurs, nous devrions être en mesure de nous doter d’un outil efficace répondant aux besoins de la population et de ceux qui ont des responsabilités à l’égard de la gestion et de la conservation. Le défi est grand, mais des réussites comme celles du Parc naturel régional du marais du Cotentin et du Bessin nous prouvent que c’est possible.

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